L’évaluation économique des biens environnementaux

UC3 - Economie de l’Environnement et des Ressources Naturelles

Simon Jean

AgroParisTech - CIRED - PSAE

Introduction

Valeur monétaire de l’environnement ?

Pourquoi chercher à donner une évaluation monétaire au vivant?

Il ne s’agit pas de créer un marché de la biodiversité […], il s’agit de définit des valeurs de référence pour que, dans toutes les décisions publiques, soit désormais prise en compte la valeur économique de la biodiversité

Chantal Jouanno, 2009 - Secrétaire d’état à l’écologie

In the age of number crunchers, however, there is a danger that the more precisely expressible values will dominate the less precisely expressible values simply because their numerical chatacter makes them easier to fit into models

Costanza and Daly, 1987, “Towards and Ecological Economics”, Ecological Modelling

  • Il s’agit d’intégrer la protection de l’environnement et de la biodiversitédans l’ordre d’un calcul coûts bénéfices pour guider l’action publique
    • Idée de we protect what we value
  • Il s’agit aussi d’évaluer les responsabilités juridiques dans le cas des destructions environnementales

Le préjudice écologique

  • Né de la loi de 2016 pour “la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages”, le préjudice écologique (Article 1246).

    • Il instaure l’obligation, pour les responsables, de réparer ce préjudice aux écosystèmes et services écosystémiques, notamment après les directives européennes de 2004 sur le sujet.
    • Il devient nécessaire de réparer l’environnement en tant que tel, pas simplement pour les préjudices indirects que l’homme perçoit.
  • En 1999, le tanker Erika fait naufrage dans le golfe de Gascogne

    • déversant des dizaines de milliers de tonnes de fioul lourd, atteignant les côtes bretonnes.
    • Des communes se constituent alors parties civiles, pour être dédommagées du préjudice subi, et seront finalement reconnues dans leur droit par un arrêt de la Cour de Cassation en 2012
    • Une amende de 200 millions d’euros de réparations à payer par … Total.
  • La réparation doit être intégrale après un chiffrage des dégâts, tout en visant une restauration en nature.

  • Voir l’explication vidéo du préjudice écologique en France des étudiants de Sciences Po Paris

Quelles valeurs mesure-t-on?

En économie, le concept de valeur économique totale émerge des travaux de John Krutilla (1967, Conservation Reconsidered):

  • La valeur d’usage qui peut être:
    • Directe: les valeurs associées à la consommation directe de ressources issues de l’environnement (poisson, bois etc), c’est à dire aux services écosystémiques de provision ou de contributions de la nature aux populations matérielles
    • Indirecte: les valeurs associées au fonctionnement des écosystèmes, qui donnent des services écosystémiques de régulation, comme la séquestration du carbone, ou le filtrage de l’eau, ou de contributions de la nature aux populations de régulation
    • d’option: la possiblité d’utiliser dans le futur à la fois pour la préservation et l’exploitation économiques des écosystèmes jusque là préservés, ou non utilisés
  • La valeur de non usage :
    • de legs : la valeur associée à la possibilité pour les générations futures de bénéficier de la nature, au travers de contributions de la nature aux populations matérielles et immatérielles
    • d’altruisme : la valeur qui correspond à la volonté de préserver l’environnement au sein d’une même génération
    • d’existence : la valeur correspondant à la protection de l’environnement pour un motif intrinsèque, délié des considérations anthropocentriques

Quelles valeurs aujourd’hui?

  • Costanza et al, 1997 dans Nature, chiffrent le capital naturel et la valeur des services écosystémiques à plus de 30 trillions de dollars, plus large que le PIB mondial aujourd’hui
  • Plus récemment, le programme Efese lancé en 2012 a tenté d’évaluer une partie des services écosystémiques en France, aboutissant à une mesure de 50 milliards par an, soit 1.8% du PIB de 2023
  • Le Joint Reseach Committee de l’Union Européenne, en évaluant 8 services écosystémiques, aboutit à un chiffre plus modeste, autour de 18 milliards d’euros, soit 0.6% du PIB
    • Tout deux évaluent la pollinisation, les usages récréatigs, la séquestration du carbone etc, à différentes échelles spatiales

Comment arrive-t-on à ces mesures?

Mesurer une valeur économique nécessite de :

  1. Identifier clairement les éléments affectés, par une politique publique, un accident, bref, identifier une chaîne causale
  2. Mesurer la relation bio-physique entre un processus environnemental et les dommages causés aux éléments identifiés
  3. Estimer les changements qu’opèrent les éléments affectés, pour absorber les conséquences des processus environnementaux
  4. Placer une valeur monétaire sur les conséquences inabsorbées

Toutes les mesures de valeurs se valent-elles?

  • Les valeurs les plus simples à mesurer sont celles d’usage direct
    • On a des prix de marché que l’on peut utiliser, qui font se rencontrer les préférences et la technologie : c’est le gold standard de l’évaluation
    • Ou encore des coûts de remplacement, plus ou moins explicites, bien qu’ils n’aient pas la partie “adaptation” dans les cas purement techniques
      • Wetlands, Flooding and the Clean Water Act de Drunkenmiller et al., 2022 :
        En utilisant les données des programmes d’assurance, “the average hectare of wetland lost between 2001 and 2016 cost society $1,840 annually, and over $8,000 in developed areas.”
  • Les valeurs d’usage indirectes n’ont bien souvent pas de prix de marché :
    • Le prix d’un écosystème, par ses fonctions diverses (de production, de régulation, culturelles) est difficile à déterminer
    • Mais certaines propriétés d’usages concomittants peuvent nous aider à les mesurer : des coûts d’évitement, des variations communes de prix, ou encore des proxies qui nous disent les choix
  • Les valeurs de non usage sont les plus difficiles à mesurer :
    • Quelle serait la valeur d’héritage, ou d’altruisme?
    • Comment faire pour qu’elles aient une “épaisseur”, une réalité, quand elles ne donneront pas lieu à des échanges économiques?

Panorama des méthodes

  1. Les méthodes par préférences (ou comportements) révélées: sont basées sur les comportements des gens, sur les transactions véritablement réalisées, c’est le gold standard
    • Principalement utilisées pour les valeurs d’usage
  2. Les méthodes par préférences (ou comportements) déclarées: sont basées sur des comportements déclarés, où l’on pas réellement pu observer les comportements des gens
    • Principalement utilisées pour les valeurs de non usage
  3. La méthode des transferts de bénéfices : face à la difficulté de réaliser de nouvelles études, on utilise parfois les résultats d’études existantes dans un contexte différent pour connaître localement les valeurs
  4. Des méthodes composites :
    • Utilisant des modélisations intégrées des dommages bio-physiques avec des modèles de choix,
    • Des méthodes identifiant précisément les éléments affectés, les mécanismes biophysiques et leurs conséquences, et les changements opérés, en restant sur des métriques non-monétaires, notamment via de l’inférence causale

Que cherche-t-on à mesurer?

Bénéfices, consentement à payer et dommages

  • Pour avoir la valeur des biens, on voudrait avoir la mesure du surplus associé à un bien.
  • Ceci dit, il n’y a pas de marché pour l’environnement dans la majeure partie des cas
    • On ne peut pas directement utiliser les prix et les quantités échangées
  • On va se focaliser sur la demande plutôt que sur l’offre dans la plupart des cas
    • On veut comprendre la valeur que placent les consommateurs sur les biens environnementaux
    • On verra comment prendre en compte les côtés liés à l’offre, pour avoir une disposition marginale à payer nette
  • Exemple : on veut mesurer les bénéfices totaux de la réduction de la pollution, c’est à dire la réduction des dommages totaux liés à la pollution
  • Pour faire cela, on veut mesurer l’intégralité des bénéfices marginaux liés à la réduction de la pollution
    • Le bénéfice marginal est l’opposé du dommage marginal d’une tonne de pollution
    • La disposition marginale à payer est le bénéfice marginal lié à la réduction d’une tonne de pollution

Mesurer des dispositions marginales à payer par des approches révélées

  • L’idée de fond est de reconstruire cette courbe de disposition marginale à payer en utilisant des biens connexes
  • Rappel de micro :
    • Les agents maximisent leur utilité \(U(\mathbf{x})\)\(\mathbf{x}\in \mathbb{R}^N\) est un panier de biens, sous contrainte de revenu
    • On en déduit des fonctions de demande \(\mathbf{x}^*(\mathbf{p}, R)\)\(\mathbf{p}\in \mathbb{R}^N\) est le vecteur des prix
    • Supposons que l’on a \(x\) un bien de consommation et \(q\) un bien environnemental
    • Dans le cas des biens environnementaux, on n’aura pas de prix!
  • On pourra observer ceci dit une relation \(x(p_x, q)\) c’est à dire une quantité de bien de consommation consommée en fonction de son prix et de la qualité environnementale, que l’on nomme demande restreinte
    • On pourrait ensuite mesurer la variation de la disposition à payer rapportée
    • A la variation d’une quantité de bien environnemetal \[ \Delta DAP / \Delta q = f(p_x, q) = DMAP \]

Consentement marginal à payer et consentement marginal à accepter

On a dans les faits deux mesures:

  • Disposition marginale à payer :
    • A combien j’évalue quelque chose que je n’ai pas
    • Combien je suis prêt au maximum à payer pour l’avoir
    • Notion de variation équivalente
  • Disposition marginale à accepter une compensation:
    • A combien j’évalue quelque chose que j’ai
    • Combien je suis prêt au minimum à gagner pour le perdre
    • Notion de variation compensatrice
  • Pas exactement pareil, mais pour des changements marginaux, devraient être presque égale

L’approche par préférences révélées

On cherche à mesurer des valeurs d’usage et l’on dispose de données transactionnelles reliées aux enjeux environnementaux

Différentes approches pour différents types de biens

Les biens peuvent être soit :

  • Des substituts
    • Lorsque le prix de l’un augmente, la consommation de l’autre augmente
    • Symmétriquement, on peut augmenter sa consommation si l’autre est réduite
    • On utilisera les méthodes par approche de coût de remplacement ou d’évitement
    • Où les dépenses en bien privé augmentent à mesure que la qualité environnementale décroît (corrélation inverse)
  • Des compléments :
    • Lorsque le prix de l’un augmente, la consommation de l’autre baisse
    • Symmétriquement, on consomme autant de l’un que de l’autre
    • On utilisera les méthodes par coûts de transport
    • Où les dépenses en bien privé correspondent au niveau de qualité environnementale (corrélation positive)
  • Appréciés en tant que paquets, en tant qu’attributs d’un bien plus grand:
    • Cela n’a pas de lien avec la substituabilite ou la complémentarité
    • Mais certains biens sont faits de beaucoup de caractéristiques (voitures, maisons etc) : l’évolution d’une des caractéristiques peut entraîner des changements de valeur d’un bien marchand
    • On utilisera les méthodes d’évaluation hédoniques souvent appliqueées à l’immobilier

Forces et faiblesses des méthodes par préférences révélées

L’idée est simple : mesurer à partir d’éléments économiques reliés de façon proche, pour lesquels on a un marché

  • Basé sur de vrais comportements économiques
    • Donnant des données proches du monde économique
    • Evitant les biais d’enquêtes
  • Des études relativement rentables (i.e pas chères)
    • Usage de données déja collectées
    • Pas de coûts d’enquête
  • Ne capturent que les valeurs d’usage
    • Au mieux partielle : tous les services écosystémiques n’ont pas de contrepartie clairement identifiable
    • Ne permet pas de voir les autres valeurs, notamment de non usage
  • Se basent sur des conditions parfois restrictives
    • Notamment sur l’état des marchés connectés (compétition imparfaites)
    • ou l’absence de comportement stratégiques
  • Extrapolent des évaluations marginales du consentement à payer
    • La DMATP n’est peut être pas linéaire
    • L’extrapolation au vu de grands changements environnementaux n’est peut être pas valide
  • Peuvent n’évaluer que des capacités à payer

Coûts évités

Dépenses de défense

  • On peut inférer la fourchette basse du dommage par les coûts que les individus sont prêts à payer pour le réduire (Bartik, 1986):
    • Exemple : bruit urbain et double vitrage; maladies et port des masques etc
    • Fourchette basse : il n’y a pas de continuum de prix-quantité
  • Applicables à :
    • La santé
    • La morbidité

Idée générale

Zhang et Mu, Air Pollution and defensive expenditures: Evidence from particulate-filtering facemasks, Journal of Environmental Economics and Management, 2018

PM2 in 2014, October 10)

  • Idée :
    • Mesurer le lien entre demande de masques filtrants les PM et la pollution de l’air
    • en Chine (190 villes) au niveau journalier entre Janvier 2013 et Avril 2014
  • Data :
    • Index des ventes par le groupe Alibaba
    • Données météorologiques (confondeurs) du National Oceaninc Atmospheric Administration (NOAA, US)
    • Qualité de l’air au niveau de la station de relevé du Ministère de l’Environnement chinois

Méthode : modèle d’utilité aléatoire

L’utilité associée à la consommation d’un bien \(j\) est \[u_{ijt}= v(\mathbf{x}_{ijt}'\theta) + \epsilon_{ijt}\]\(\mathbf{x}_{ijt}\) sont des caractéristiques observables déterminant l’achat (pollution, attributs des masques, caractéristiques individuelles) et une partie inobservable, \(\epsilon_{ijt}\)

  • On modélise les évènements suivants :
    • Achat du bien \(j\) par l’individu \(i\) à date \(t\)
    • Puis l’aggrégation à l’échelle d’une ville \(d\)
  • En utilisant les hypothèses suivantes:
    • La partie inobservée suit une loi de Gumbel :
      • Qui caractérise les valeurs extrêmes: les individus maximisent leur utilité
      • Et permet le calcul des différences d’utilités
    • L’achat est un évènement rare :
      • La somme des achats suit une loi binomiale
      • Le fait que ces achats soient rares permet une approximation par loi de Poisson

On aboutit à un modèle où :

\[ \log E(y|\mathbf{x}) =\mathbf{x}'\theta \]

Estimation & identification:

  • On peut estimer la moyenne des achats de masque de façon conditionnelle aux variables observées comme un modèle linéaire
    • En utilisant des effets fixes qui capture les éléments invariants dans le temps ou l’espace
  • Problème d’identification : difficultés d’identifier de manière unique les paramètres avec les données
    • On n’observe pas les prix des masques : ils sont uniformes par jour, on utilise des effets fixes quotidiens
    • Pas d’informations spécifiques sur les masques spécifiques: analyse par sous groupe disponibles
    • Les caractéristiques des consommateurs agrégées à l’échelle d’une ville sont inconnues : effets fixes sur la ville
    • Autres comportements de défense (ne pas sortir etc) : on identifie ici l’effet résiduel, une fois les autres options incluses

Résultats

  • Un accroissement de 100 points de l’indice de qualité de l’air cause :
    • Un accroissement de la consommation de masques de 54.5% pour tous les masques
    • De 75% pour les masques anti PM 2.5
  • Si 10% des jours pollués étaient éliminés, cela résulterait en 187 millions de USD$ en Chine économisés

Critique de la méthode

  • Estimation de la fourchette basse : problème pour l’analyse coûts-bénéfices :
    • Conditions de marché
    • Substitution par des biens publics

Méthode des coûts de transport

  • On cherche à mesurer la disposition à payer pour des attributs environnementaux

  • Une manière de le faire : combien sont ils prêts à payer pour aller voir?

  • Approche par la valeur récréative des sites naturels

  • Approche qui dates de la fin des années 1940

    • suivant une lettre d’Harold Hotelling
    • Suggérant cette manière d’évaluer les bénéfices des parcs nationaux aux Américains, destinée au directeur du US National Park Service

Plusieurs méthodes :

  • Méthode au nombre de trajets sur un même site :
    • Modèle classique d’utilité
    • On trouve une demande pour le voyage
    • On trouve le prix du voyage avec une estimation des coûts
    • On mesure le surplus
  • Méthode avec les caractéristiques des sites alternatifs :
    • Modèle d’utilité aléatoire
    • Les caractéristiques des sites diffèrent
    • Mais on garde la distance de trajet et ses coûts comme variable clé

Exemple : les effets économiques des feux de forêt

Gellman, Walls and Wibbenmeyer, Welfare Losses from Wildfire Smoke : Evidence from Daily Outdoor Recreation Data, 2024 Journal of Environmental Economics and Management (R&R)

  • Idée générale:
    • Mesurer l’impact de l’exposition (ou de l’anticipation de celle ci) à la fumée issue des incendies sur le tourisme
    • En utilisant les visites de sites de camping dans les parcs américains
  • Data :
    • Toutes les réservations pour les sites de camping fédéraux (plus larges que National Parks) sur Recreation.gov: 16 nmillions de transaction, pour près de 1000 sites
    • Données satellites de feux (MODIS)
    • Données de pollution aux PM2.5
    • Distances entre les campgrounds, les adresses renseignées, et coûts de l’essence

Méthode

  • Modèle d’utilité aléatoire :
    • Les gens réservent des sites de camping en fonction de leurs caractéristiques, de celles de l’endroit visité et du coût de transport
    • Ils prennent une décision de réservation ou non, et paient: on a une estimation du surplus
    • Une fois que la fumée arrive, certains décident d’annuler, d’autres non
    • On peut avoir l’effet de la fumée sur les annulations
  • Menaces sur l’identification: biais de sélection
    On ne mesure que les gens qui ont réservé : c’est ceux pour qui la valeur est large
    Approche par simulation du comportement d’annulation de ceux qui n’ont pas réservé

Résultats

  • Le consentement marginal à payer pour éviter une journée d’exposition à la fumée est de 38$ (107$ par voyage, en moyenne 2.9 jours)
  • La perte aggrégée économique due aux feux, liée à la récréation en extérieur est de l’ordre de 2.3 milliards de dollars par an
  • Commensurable avec la dépense annuelle du gouvernement de 2.8 milliards en efforts de suppression et de 900 millions pour la Californie

Critique de la méthode

  • Ceux qui habitent le plus proche, donc potentiellement ceux qui visitent le plus, ont la plus faible contribution
  • Les voyages peuvent être à multiples enjeux, c’est pas simplement le fait de voir une chose qui cause des pertes
  • Coûts d’opportunité du temps :
    • On estime le temps passé au niveau de salaire : il y a d’autres choses dans la vie
    • On suppose que chaque heure à la même valeur
    • Tous les gens n’ont peut être pas le même coût d’opportunité
  • Possibilité de substituer : on surestime peut être

Méthode hédonique

  • Vient de l’idée de Lancaster, 1966 et Rosen, 1974 que les biens peuvent être vus comme des collections d’attributs

  • Et que le prix d’un bien reflète en fait la combinaison des prix de ces attributs

  • Utilisé beaucoup :

    • En environnement, avec l’analyse des biens immobiliers
    • Dans d’autres cas, comme l’analyse de la valeur statistique de la vie
  • Idée : une maison, c’est une combinaison de mètres carrés, du nombre de pièces, de fenêtres, d’isolation, mais aussi de la proximité à des écoles, ou encore à des espaces verts

    • Si on arrive à trouver des maisons très similaires mais qui ne varient que par leur proximité à l’environnement : on trouve la valeur des attributs environnementaux
  • Démarche :
    • On trouve la valeur d’un changement marginal (si possible plusieurs)
    • On estime la fonction de demande à partir de là
    • Et on trouve la valeur totale locale des biens environnementaux
  • Hypothèses :
    • Le marché immobilier est parfaitement compétitif (forces de marché et information): autrement les prix ne reflètent pas les caractéristiques
    • Le marché immobilier est fixe : nécessite une certaine analyse de court terme, pas d’anticipations non plus

Example

Gopalakrishnan et al, The value of disappearing beaches: A hedonic pricing model with endogenous beach width, Journal of Environmental Economics and Management, 2011

  • Les maisons changent de valeur en fonction de la qualité des plages
  • Celle ci est dynamique, il y a un lien entre fréquentation et évolution des plages dans le temps
  • Utilisent des données de vente immobilière, de situation des plages, ainsi que les opérations de [“réparation” des plages]{.bg3}
  • Montrent que ces opérations sont prises en compte dans les prix
  • Dans le cadre du changement climatique, si :
    • l’érosion augmente significativement (facteur 3)
    • Les coûts de réparation augmentent
    • Les valeurs résidentielles peuvent [chuter jusqu’à -52%].{bg2}

Forces et limites

  • Forces :
    • Data sur les marchés immobiliers bien disponibles
    • Les marchés d’actifs immobiliers s’adaptent plutôt bien, ils répondent aux changements
  • Faiblesses :
    • Limité aux maisons ou aux terres
    • Nécessité de se projeter de façon correcte
    • Nécessité de prendre en compte l’équilibre général (modèle de Rosen-Roback) : les salaires affectent les prix des maisons, la réciproque est vraie
  • Utilisé pour la valeur statistique d la vie

Les préférences déclarées

Introduction et contexte

  • Marée noire de l’Exxon Valdez, cause des dégats terribles aux écosystèmes locaux
  • Quels sont les dommages? Comment évaluer les dommages au delà des coûts de restauration?
  • Plusieurs techniques existent :
    • L’évaluation contingente
    • Les expériences de choix discrets

Forces et faiblesses

  • Permet d’estimer la valeur économique totale, ce qui n’est pas le cas des approches par préférences révélées
  • Ne se repose par sur des vrais marchés:
    • Mais pas non plus sur la nécessité d’être des marchés parfaits
    • Ni sur la disponibilité des données
    • Applicable ex-ante, de façon préventive
  • Explore les raisons derrière les préférences, utiles pour la politique

L’évaluation contingente

  • Questions posées sur la valeur déclarée par les gens notamment autour de la vie des animaux, ou de la restauration des écosystèmes : combien paieriez vous pour ce bien?
  • Différentes étapes :
    • Quels usages pour un bien?
    • Quelles attitudes?
    • Proposition d’un scénario :
      • Réalisme et pas trop de captatio benevolentiae
    • Elicitation des valeurs
    • Follow up
    • Variables démographiques
  • Impact des méthodes de paiement suggérées :
    • Taxes
    • Factures augmentées
    • Frais de parking ou d’entrée
    • Une fois ou répété?
  • La valeur peut dépendre de la manière dont on pose la question:
    • “Open ended”
    • Echelle de paiement : cochez les montants que vous êtes surs de payer
    • Choix dichotomique : la politique proposée va couter X euros par foyer, la supporteriez vous?
Cartes de paiements (hypothétiques) aggrégées
V1 V2 V3 V4 V5
10 Oui Oui Oui Oui
20 Oui Oui NSP Oui
30 NSP Oui Non Oui
40 Non Oui Non Oui
50 Non Oui Non Non
60 Non Oui Non Non
70 Non Oui Non Non
80 Non Oui Non Non
90 Non Non Non Non
100 Non Non Non Non
[1] "Consentement marginal moyen à payer est  37.5  euros"

Validité et biais

  • Problèmes de robustesse envers la théorie :
    • Pas forcément décroissante
    • Chute pas forcément avec la distance au projet etc
  • Critiques majeures:
    • Pas d’engagement économique, on risque une réponse hypothétique
    • Plein de biais :
      • Protestation ; la nature n’est pas à vendre, je mets 0
      • Différence entre disposition à accepter et à payer : ne devrait pas arriver
      • Biais stratégique : les gens ont peut être peur qu’on se serve des résultats pour les taxer
      • Partie - total : le prix à payer pour 1 ou 100 espèces n’est pas linéaire
      • Information insuffisante
  • Difficile de bien faire : mais ça existe
  • Demeure un outil clé

Expériences de choix discrets

  • Date des années 1980 en transports
  • Compare des choix plus difficiles

Exemple

Chloé Beaudet (doctorante à PSAE) et al. Are citizens willing to accept changes in public lighting for biodiversity conservation?, Ecological Economics, 2022

  • La luminosité est nocive à la biodiversité : perturbe jour/nuit, piège écologique pour les insectes, destruction d’habitat pour les chauves souris
  • Que faudrait-il pour un soutien public à une réduction de l’éclairage public nocture?

Résultats

Estimation de la WTP/WTA par classe
Attribut Anti.changement.... Pro.changement....
Réduction de l’intensité (-75%) -12 11.25
Extinction 1h-5h -8.58 10.91
Extinction 23h-6h -76.95 6.30
Changement de couleur (orange) Non significatif 2.92
Rester dans le status quo -21 -89.78

Critique de la méthode

Mieux que la CV car :

  • On a le consentement à payer pour des attributs :
    • Permet d’orienter et renseigner un changement multidimensionnel
    • Permet d’inférer des projets nouveaux, on a rien demandé
  • Le WTP est implicite, on a moins de protestations
  • Plus familier, plus proche du marché

Moins bien ?

  • Peut avoir une difficulté cognitive supplémentaire
    • Processus de satisficing : on s’arrête quand un attribut est ok
  • Peut être difficile à analyser
  • En plus d’être cher, comme la CV

Conclusion

  • Les techniques traditionelles d’évaluation monétaire en économie reposent sur
    • La théorie du consommateur
    • Des approches partielles de la valeur économique : non usage ou usage indirect
    • Qui souffrent chacune de limitations, réciproques.
  • Elles permettent néanmoins de nourir le débat si incluses dans l’analyse coûts bénéfices, mais c’est une course difficile à suivre
  • Quand il est difficile de mesurer dans un contexte, on fait du transfert de bénéfices (on utilise d’autres valeurs)
  • De plus en plus d’approches intégrées pour l’évaluation des services écosystémiques, qui n’utilisent pas forcément la monnaie :
    • Evaluation biophysique
    • Evaluation socioculturelle

Annexes

Bonus : modèle d’utilité aléatoire

  • L’évènement “achat de \(j\) par \(i\) à \(t\)” a la probabilité suivante : \[ Pr(d_{ijt}=1) = E_{\epsilon}\mathbf{1}(u_{ijt}>u_{ikt}, \forall k) \]

  • En spécifiant la distribution de \(\epsilon_{ijt}\) on peut définir la probabilité d’un choix. Par exemple, si \(\epsilon_{ijt}\) suit une loi extrême de type-I (Gumbel), le modèle multinomial logit: \[ Pr(d_{ijt}=1) = \frac{\exp(u_{ijt})}{\sum_k \exp(u_{ikt})} \]

  • En agrégeant les achats à l’échelle d’une ville, on a \(y_d = \sum_d y_{ijt}\), qui suit une loi binomiale donc \(E(y|\mathbf{x}) = Np(x)\)

  • Loi des évènements rares : Si \(N\) est large, \(p(x)\) petit, et \(Np(x)\) de taille modérée, alors \(y\) suit une loi de Poisson de paramètre \(\lambda = Np(x)\)

  • Si \(1+\exp(x'\theta)\approx 1\) (évènements rares) alors on a \(p(x)\approx \exp(x'\theta)\)

  • On a donc \(\lambda \approx N \exp(x'\theta)\), après reparamétrisation de \(\theta\), on a (x’^*)$

  • Et in fine :

\[ E(y|\mathbf{x}) = \exp(\mathbf{x}'\theta^*) \]

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Bonus : méthodes hédoniques et la valeur statistique de la vie

  • Valeur statistique de la vie :
    • Valeur tutélaire de la vie pour l’analyse coût bénéfice, en matière environnementale, de santé publique, ou de transports
    • En France, autour de 3,200,000 euros
    • Aux Etats Unis, entre 1.3 et 20 millions USD$
    • En Inde, autour de 665,000 USD$
  • Déterminée, entre autres, par évaluation hédonique des salaires:
    • A caractéristiques équivalentes,
    • Quel est l’accroissement de salaire que les travailleurs acceptent
    • Pour une augmentation de leur risque de mortalité?

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