UC3 - Economie de l’Environnement et des Ressources Naturelles
= Ce cours est inspiré des cours de :
Pour creuser un peu plus les notions:
Introduction : déclin de la biodiversité et des ressources
Ressources renouvelables et communs : les pêcheries
Guide des espèces, Institut Flamand de la mer
Définition mathématique?
On se place dans un cadre où l’on ne considère qu’une seule espèce, dont on modélise la dynamique de population i.e. l’évolution de la biomasse (ou du nombre d’individus) à travers le temps peut s’écrire :
\[ X_{t+1} = F(X_t) + X_t = G(X_t) \]
La fonction logistique (Verhulst, 1838) :
\[F(X_t) = rX_t \left(1 - \frac{X_t}{K}\right)\]
Où \(r\) est le taux de croissance intrinsèque (quand la population est proche de 0) et mesure la rapidité de convergence vers la capacité de charge de l’écosystème \(K\)
La fonction logistique avec dépensation critique : en dessous d’un seuil \(K_1\), la population est vouée à l’extinction
\[F(X_t) = rX_t \left(1 - \frac{X_t}{K_2}\right)\left( \frac{X_t}{K_1}-1\right)\]
On parle d’ équilibre lorsque la population ne bouge pas :
\[ \begin{align*} X_{t+1} &= X_t = X^*\\ \Rightarrow & X_{t+1} -X_t = F(X_t) = 0 \end{align*} \]
C’est souvent un constat de long terme, on converge vers l’équilibre
Un équilibre est stable lorsqu’après une petite déviation de l’équilibre, le processus dynamique y retourne.
Formellement, on a \(X^*\) est un équilibre stable si et seulement si \(\left| 1 + F'(X^*)\right|<1\)
Soit :
En utilisant une approximation de Taylor (d’ordre 1) autour de l’équilibre, on peut faire une approximation linéaire de la fonction:
\[ \begin{align*} G(X_t) &= G(X^* + \delta X_t) = G(X^*)+G'(X^*)\delta X_t + O(\delta X^2) \\ \Rightarrow G(X_t) &\approx G(X^*)+G'(X^*)\delta X_t\\ \end{align*} \]
En utilisant cette approximation :
\[ \begin{align*} \Rightarrow & X_{t+1} = G(X_t) \approx G(X^*)+G'(X^*)\delta X_t\\ \Rightarrow & X_{t+1} \approx X^* +G'(X^*)\delta X\\ \Rightarrow & \delta X_{t+1} \approx G'(X^*)\delta X_t\\ \end{align*} \]
Stabilité
Un équilibre est stable si \(\lim_{t\to\infty} \delta X_{t+1} \to 0\). Il faut donc que \(|G'(X^*)|<1 \iff |1 + F'(X)|<1\)
Pour la fonction logistique, \(G'(X)= 1 + r \left(1 - \frac{2X}{K}\right)\):
Dans le cas de la dépensation critique: les candidats sont 0, \(K_1\) et \(K_2\)
Toujours dans un cas à une seule espèce - Hypothèse 1
Technologie d’extraction: fonction liant l’effort (de pêche) à la quantité pêchée: \[Y_t = h(X_t, E_t)\]
La quantité pêchée dépend de l’effort de pêche, et de la taille du stock de poissons
La dynamique du stock change avec l’extraction:
\[ \begin{align*} X_{t+1} - X_t &= F(X_t) - Y_t= F(X_t)-h(X_t, E_t) \end{align*} \]
On cherche le niveau de population d’équilibre où \(X_{t+1}-X_t=0 \iff F(X_t) = h(X_t, E_t)\)
On appelle un niveau de pêche soutenable correspondant à un stock donné le niveau de pêche égal à la croissance du stock, permettant de rester en équilibre
On définit le rendement maximum durable (ou maximum sustainable yield, MSY) comme
\[T/E=qN\]
On prend le modèle suivant :
\[\begin{align*} & X_{t+1} - X_t = rX_t\left(1 - \frac{X_t}{K}\right) \\ & Y(X_t, E_t) = q X_t E_t \end{align*}\]
Où \(q\) est le coefficient de capture, où l’on suppose ainsi que \(Y/E = q X\) selon une relation proportionnelle (Hypothèse 2)
\[ \begin{align*} &rX^* \left(1 - \frac{X^*}{K}\right) = qX^* E\\ \Rightarrow & X^* = \left(1- \frac{q}{r}E \right) K \\ \Rightarrow & Y = qE\left(1- \frac{q}{r}E \right) K \end{align*} \]
On a un lien entre quantité pêchée en équilibre (biomasse) et l’effort de pêche, on veut maintenant des quantités monétaires :
Pendant longtemps, il a été préconisé de viser le MSY, c’est à dire la production maximale, comme objectif de gestion optimale.
Est ce raisonnable d’un point de vue économique?
En économie, la gestion optimale des pêcheries suppose que l’on maximise une fonction objectif, le profit
\[ \max_E \Pi(E) = \max_E RT(E)-CT(E) \Rightarrow \Pi'(E)=0 \iff RT'(E) = CT'(E) \]
On arrête la pêche lorsque le revenu marginal que l’on retire de la pêche est égal au coût marginal
p = 5
c = 2
# Define growth from effort
Croissance = function(Effort){
y = q*Effort * (1 - q/r*Effort)*K
return(y)
}
# Define monetary functions with negative return for optimization
profit = function(Effort, p_ = p , c_ = c){
y = p_*Croissance(Effort) - c_*Effort
return(-y)
}
marginal_revenue= function(Effort, p_ = p, c_ = c){
y = p*q*K*(1-2*Effort*q/r)
return(y)
}
# Run optimization with integrated solver
solution = optimize(profit, interval = c(0,K))
e_look = solution$minimum
# Create data.frame
data_fin <- data.frame(Effort = seq(0, 5, 0.01)) %>%
mutate(Croissance = Croissance(Effort)) %>%
mutate(Revenue = p * Croissance,
Cost = c * Effort) %>%
mutate("Marginal Revenue" = marginal_revenue(e_look) * (Effort - e_look) +
p * Croissance(e_look))%>% # Tangent equation
select(-Croissance)
# Treat data into tidy format
data_fin %>%
pivot_longer(-Effort, #Pivot to long format
values_to = "values",
names_to = "names")
# A tibble: 1,503 × 3
Effort names values
<dbl> <chr> <dbl>
1 0 Revenue 0
2 0 Cost 0
3 0 Marginal Revenue 20.2
4 0.01 Revenue 0.200
5 0.01 Cost 0.02
6 0.01 Marginal Revenue 20.3
7 0.02 Revenue 0.398
8 0.02 Cost 0.04
9 0.02 Marginal Revenue 20.3
10 0.03 Revenue 0.596
# ℹ 1,493 more rows
Le modèle de Gordon Schaeffer illustre la tragédie des communs, en considérant le problème de l’accès ouvert aux pêcheries en utilisant la théorie de la rente ricardienne pour expliquer la surexploitation
Pardon, mais quoi?
David Ricardo était un économiste anglais du XVIII-XIX siècle, également philosophe, agent de change, et député. Suivant les guerres napoléoniennes, l’Angleterre instaure les Corn Laws, prohibant l’importation du blé lorsqu’il descend en dessous d’un prix plancher.
Ricardo s’y oppose sur la base de la théorie de la rente différentielle qu’il développe :
Rente différentielle
La rente différentielle émerge des différences de productivité entre terres agricoles, permettant de générer des surplus, c’est à dire un écart entre revenus et coûts de production qui couvre plus que la juste rémunération du travail et du capital
Biens communs et accès libre
L’analyse de Gordon permet de différencier communs et accès libre: c’est l’absence de contrôle sur la ressource (accès libre), et l’absence de normes de gestion sur une ressource en commun qui crée la surexploitation, pas le fait que les ressources sont en commun.
On en reparlera dans le cours d’économie écologique, mais vous pouvez déja aller voir les travaux d’Elinor Ostrom
On pose le débat en de nouveaux termes :
\[ \begin{align*} \Pi &= RT(E)-CT(E) = 0 \Rightarrow pqXE - cE = 0\\ qXE &= rX\left(1 - \frac{X}{K} \right)\\ \end{align*} \]
\[\begin{align*} \Rightarrow & X^{OA} = \frac{c}{pq}\\ \Rightarrow & E^{OA} = \frac{r}{q}\left(1 - \frac{c}{pqK}\right) \end{align*}\]
\[\begin{align*} \max_E &(pqXE - cE)\\ qXE &= rX\left(1 -\frac{X}{K}\right) \end{align*}\]
\[\begin{align*} \Rightarrow & X = K \left(1 - \frac{q}{r}E\right) \\ \Rightarrow& \max_E\left(pq K \left(1 - \frac{q}{r}E\right)E - cE\right)\\ \Rightarrow & E^* = \frac{r}{2q}\left(1 - \frac{c}{pqK}\right)\\ \Rightarrow & X^* = \frac{1}{2}\left(K + \frac{c}{pq}\right) \end{align*}\]
\[ \begin{align*} \max_X F(X) \end{align*} \]
\[\begin{align*} \Rightarrow \max_X rX\left(1-\frac{X}{K}\right)\Rightarrow & X^{MSY}=\frac{K}{2}\\ & E^{MSY} = \frac{r}{2q} \end{align*}\]
Le modèle de Gordon Schaeffer permet d’expliquer la racine de la surexploitation des ressources halieutiques
Le fait de pouvoir entrer librement attire toujours plus de monde, aggravé par des subventions toujours importantes Sumaila et al, 2019:
Résultant en une surcapitalisation (trop de navires) et une surexploitation
Jusqu’à ce que les profits (par rapport au reste de l’économie) soit nuls
Il permet aussi d’avoir un nouvel objectif de pêche, plutôt que le MSY : le MEY
On a l’analyse de long terme mais pas la transition vers l’équilibre
Ladimension temporelle de la ressource est jusqu’ici absente : comment l’intégrer?
Si je ne pêche pas aujourd’hui, que se passe-t-il?
Supposons qu’on est à l’équilibre, \(X_{t+1}=X_t\Rightarrow Y_t=h(X_t,E_t)\)
Je perds aujourd’hui \(\frac{\partial \Pi}{\partial Y}\), qui vaudrait \((1+r)\frac{\partial \Pi}{\partial Y}\) demain
Demain, je gagne :
Je m’arrête au niveau de pêche qui équilibre les coûts marginaux aujourd’hui et les bénéfices marginaux demain:
\[ \begin{align*} (1+r)\frac{\partial \Pi}{\partial Y_t} &= \frac{\partial \Pi}{\partial X_t}+(1+F'(X))\frac{\partial \Pi}{\partial Y_t}\\ \Rightarrow r &= \frac{\frac{\partial \Pi}{\partial X_t}}{\frac{\partial \Pi}{\partial Y_t}} + F'(X) \end{align*} \]
C’est la règle d’or de l’allocation des ressources renouvelables
Deux types de mesures
En pratique, peu le cas, même si il existe pour aider à l’administration
Quel est l’effet de l’arrivée de techniques de pêche plus performantes (motorisation des filets, sonar)?
\[Y = \bar{Y} = q E_t X_t\]
Fixation de la quantité de pêche totale \(\bar{Y}\), mesurée au débarquement et/ou de l’effort de pêche \(\bar{E}\)
Total allowable catch et restriction de l’effort
\[c'(Y) = p - \pi_y\]
Lire A Cautionary Note on Individual Transferable Quotas, R. Sumaila, Ecology and Society, 2010
FAO, 2003:
Une approche écosystémique des pêcheries s’efforce de balancer différents objectives sociétaux, en prenant en compte la connaissance et les incertitudes à propos des composantes biotiques, abiotiques et humaines des écosystèmes ainsi que leurs interactions et en appliquant une approche intégrée des pêcheries dans des limites écologiques
Modèle à deux espèces adapté de Tromeur et Doyen, 2018:
\[\begin{align*} x_{it+1} = x_{it} \left(1 + r_i - \frac{r_i}{K_i}x_{it} - q_i e_t\right) \end{align*}\]
Trouvez la population d’équilibre de \(x_i\)
\[\begin{align*} &r_i + \frac{r_i}{K_i}x_{it} - q_ie_t = 0 \\ \Rightarrow & x^* = \begin{cases} \frac{K_i(r_i - q_i e_t)}{r_i}\text{ si } e<\frac{r_i}{q_i}\\ 0 \text{ sinon } \end{cases} \end{align*}\]
Trouvez la condition d’équilibre en utilisant \(x_i^{MSY} = \frac{K_i}{2}\) et \(e_i^{MSY}=\frac{r_i}{2 q_i}\)
\[x_i = \begin{cases} x_i^{MSY}\left(2 - \frac{e}{e_i ^{MSY}}\right) \text{si }e<2e_i^{MSY}\\ 0 \text{ sinon } \end{cases}\]
Supposons que \(N=3\), et que l’on peut ordoner le ratio des productivités biotechniques \(\frac{r_1}{q_1}>\frac{r_2}{q_2}>\frac{r_3}{q_3}\). On cherche le rendement maximal multispécifique :
\[\max_e \sum_{i=1}^3 x_i^+(e)q_ie\]
Pour le trouver, notons que \(\forall e, \exists j\in [1,3]\) tel que \(\frac{r_{j-1}}{q_{j-1}}\leq e<\frac{r_j}{q_j}\) et \(\forall i<j\), \(x_i(e)=0\). Le problème est donc :
\[\max_e \sum_{i=j(e)}^3 x_i^+(e)q_ie\]
En fonction de \(j^*\) on a donc :
\[\begin{align*} &\frac{\partial \sum_{i=j^*}^N \frac{K_i(r_i - q_ie)}{r_i}q_ie}{\partial e} = 0\\ \Rightarrow & e^* = \frac{1}{2}\frac{\sum_{i=j^*}K_iq_i}{\sum_{i=j^*}q_i^2\frac{K_i}{r_i}} \end{align*}\]
On trouve maintenant le nombre d’espèces optimal \(j^*\) qui maximise ce MMSY
On cherche maintenant le MMEY :
\[ max_e \sum_{i=1}^N x_i^+(e)p_iq_ie - ce \]
Le GBF de Keunming Montréal
Le Global Biodiversity Framework issu de la COP 15 (2021) est un cadre de politique de protection de la biodiversité, structuré autour de 4 buts à l’horizon 2050 (“Protect and Restore”, “Prosper with Nature”, “Share Benefits Fairly” et “Invest and Collaborate”), et de 23 objectifs cibles à l’horizon 2030, comme les fameux “30 by 30” i.e. la restoration de 30% des écosystèmes dégradés et la conservation de 30% des terres, eaux et mers d’ici 2030 (cibles 2 & 3)
Halpern et al, 2016
Resilience écologique
C.S “Buzz” Holling, dont on reparlera, est un écologue américain, définit la résilience comme
“une mesure de la persistance des systèmes et de leurs capacités à absorber des changements et des perturbations tout en maintenant les mêmes interactions entre populations et variables d’état”
S’affrontent alors plusieurs visions de la notion, entre stabilité d’un équilibre unique ou trajectoires entre équilibres instables
Use and Non-Use Values in an Applied Bioeconomic Model of Fisheries and Habitat Connections, Armstrong et al, 2017, Marine Ressource Economics
Etude à mi chemin entre la modélisation bioéconomique et l’évaluation des biens environnementaux (DCE)
En Norvège, autour des “cold-water coral” :
En prenant en compte les services écosystémiques culturels (protégeant l’habitat), on accroit l’habitat de 25% et on réduit potentiellement le stock de poissons de -7%
Ouvre la voie à une gestion plus large des océans que les pêcheries
Lire Leonard et al., Science, 2021
Stockholm Resilience Center Brief, 2018
Les pressions lentes sur les écosystèmes, telles que la pollution continue, ou des chocs soudains peuvent perturber les boucles de rétroaction dominantes, de sorte qu’un autre ensemble de rétroactions devient prépondérant, entraînant un changement soudain et spectaculaire dans l’apparence et le fonctionnement du système. C’est ce qu’on appelle un changement de régime.
Par exemple, un lac d’eau douce peut absorber une certaine quantité de pollution sans sembler être affecté, mais lorsqu’un seuil critique de pollution est dépassé, il peut soudainement passer d’un état d’eau claire, qui permet la pêche, à un état dominé par les algues, avec un niveau d’oxygène insuffisant pour la vie aquatique.
Lorsqu’un système est proche d’un point de bascule, même une petite perturbation qui, en temps normal, n’aurait aucun impact significatif peut le faire basculer vers un nouveau régime. Parmi ces perturbations, on peut citer les fluctuations climatiques, les tempêtes violentes, les incendies, les espèces invasives ou encore une épidémie.
Lire Crépin et al, IRERE, 2024
Jean, Mouysset,Bioeconomic Models for Terrestrial Social Ecological System Management, IRERE, 2022